Pierre-Ambroise Bosse repart de Rio avec la médaille d’or de l’audace

 

Son esprit de champion a voulu l’or. Son corps a craqué.
Mais nos cœurs ont aimé. Nos mémoires se souviendront.
Et le succès viendra un an plus tard.

 

C’est l’histoire d’un jeune talent…

Quand Pierre-Ambroise Bosse arrive à Rio, c’est en jeune athlète français de 24 ans suscitant des espoirs à la hauteur de ses accomplissements et de son potentiel.
Champion de France du 800 mètres en 2012, il a confirmé sa capacité à s’imposer au très haut niveau en battant le record de France de la discipline en 2014.
Et sa 5eme place aux Championnats du monde de Pékin en 2015 l’a définitivement installé comme un prétendant sérieux à une médaille olympique aux JO de Rio.

Pour ce qui est de son profil de coureur, Pierre-Ambroise Bosse affiche certaines préférences assez nettes.
Il n’aime pas les courses qui sont lentes pendant 500 mètres et très rapides dans les 300 derniers mètres.
L’étude des statistiques montrent que la configuration qu’il affectionne est une course assez rapide pendant 500 mètres, où il fait ensuite la différence sur les 200 mètres qui suivent, avant de tenir dans la dernière ligne droite.

 

Dans une course folle…    

Alors, quel a été le plat du jour lors de la finale à Rio ?
On peut parler d’une bonne choucroute… bien lourde et difficile à digérer… qui laisse peu de place pour le dessert.
Difficile de savoir ce qu’il s’est passé dans la tête d’Alfred Kipketer pour courir le premier tour d’un 800 mètres comme un 400 mètres.
Difficile de parler d’audace quand il y a autant de folie dans la démarche. Il finira assez logiquement dernier.
Mais, même si ses concurrents sont restés un peu en retrait, son initiative a eu le mérite de donner une allure complètement inattendue, folle, et spectaculaire à la course.

Alors, lorsque Rudisha surenchérit brutalement à 500 mètres, on ne peut plus parler de la classique accélération sur course rapide qu’affectionne Pierre-Ambroise.
On est bien au-delà de ça en termes de rythme, d’intensité.

 

L’envol d’un géant de l’athlétisme…

David Rudisha, est un monstre de l’athlétisme, au point d’être surnommé « Fierté de l’Afrique ».
Il domine le 800 mètres depuis de nombreuses années.
Médaillé d’or aux JO de Londres en 2012, il a confirmé sa domination en gagnant les Championnats du monde en 2015.
Et ses chronos laissent peu d’espoirs à ses concurrents.
Très peu d’espoirs même, vu la forme qu’il a affiché lors des qualifications précédant cette finale.

Donc, lorsque Rudisha accélère, même après un début de course ultra rapide, c’est assurément l’envol d’un champion vers sa victoire.

 

Réagir avec la raison ou l’audace ?

Une question s’impose alors à ses concurrents ? Que faire ? Comment réagir ?
Le suivre pour garder un petit espoir de gagner, au risque de craquer et perdre le podium ?
Ou rester plus prudent, abandonner l’espoir de la victoire, mais assurer davantage une place sur le podium ?

Taoufik Makhloufi décide de jouer la médaille d’or de la sagesse et la médaille d’argent de ce 800 mètres.
Il laisse partir Rudisha en sachant que cet homme ne craquera pas.
Il considère la possibilité de le suivre dans cette accélération brutale comme un risque relevant de l’erreur.
Il décide d’écouter sa raison et son intelligence pour viser une course maîtrisée avec une accélération plus progressive.
Une course qui a le plus de chance d’être optimale.
Une course qui a le plus de chances d’être récompensée par une médaille olympique.
Une course qui a le plus de chances de satisfaire, de rendre heureux à la fin.

Pierre Ambroise Bosse n’écoute pas la voix de la raison.
Alors qu’il vit dans un pays qui a une certaine aversion au risque, où l’on peut entendre de nombreux coaches dire : « Avant de gagner un match, il faut parfois penser à ne pas le perdre », son seul calcul est de jouer la victoire.
Il court cette course pour la gagner.
L’or avant tout.
Il court pour obtenir le meilleur, pas pour éviter le pire.
Un podium serait évidemment une satisfaction, mais pas à n’importe quel prix.
Le prix que refuse de payer Pierre Ambroise à ce moment là, c’est de renoncer à la médaille d’or en chemin.

 

Une audace pas récompensée…

Pierre Ambroise décide donc d’accélérer à son tour brutalement et de se mettre dans la foulée de Rudisha.
La course déjà spectaculaire prend alors un tournant exceptionnel.
Les 2 hommes se lancent dans un rythme infernal.
Un duel qui maintient le suspense.

Evidemment, il y a des doutes, de gros doutes mêmes sur la capacité de Pierre Ambroise à tenir ce rythme.
Mais ça ne parait pas totalement fou et improbable.
Il est jeune, il a impressionnée en demi-finale… difficile de connaitre vraiment ses limites.

Alors, même si Rudisha garde un bon mètre d’avance, le duel est là, il existe.
Pendant un moment.

Mais il ne dure pas.
Dans le virage, Pierre Ambroise ne refait pas son retard.
Au contraire, il commence à perdre du terrain.
Et à l’abord de la dernière ligne droite, la médaille d’or est déjà trop loin.
Et Taoufik Makhloufi revient.
Pierre Ambroise Bosse ne peut plus tenir le rythme.
Son corps lâche.

Il le décrira ensuite en ces termes : « Dans le dernier cent mètres, je commence à regarder le grand écran, ce qui est très mauvais signe. Je sens que je suis en train de sauter complet. J’ai quand même un peu d’avance à ce niveau-là, mais je sais que je n’avance plus. C’est l’effet parachute. A la fin, il n’y a plus un boulon qui tient. »
Avant d’ajouter : « J’ai fait 2300 beaux mètres dans ces JO. Et les derniers 100 mètres ont foiré. »
Toujours ce sens de la formule, de la métaphore. Une capacité à faire le spectacle sur la piste, mais aussi en dehors. Son chat ne dira pas le contraire…

Il finit donc par perdre la médaille d’argent.
Et même la médaille de bronze, face à Clayton Murphy qui vient assommer Pierre Ambroise en explosant son record personnel.

 

Une déception mais pas de regrets…

Forcément, Pierre Ambroise est déçu et reconnait se sentir « plus déçu que fier » après la course.
Il a conscience qu’il aurait sûrement pu obtenir mieux, avec des choix plus prudents.
Ce qu’il exprime ainsi : « Je valais sûrement une médaille mais je ne l’ai pas faite. »

Mais en ayant couru pour l’or avec audace, il ne nourrit aucun regret:
« Je n’ai aucun regret. J’ai plein de regrets dans ma vie mais aujourd’hui pas du tout. Au contraire, j’ai fait ce que je voulais, c’est-à-dire aller chercher la gagne jusqu’au bout. »

Il évite ainsi sûrement un des pires sentiments qu’on puisse ressentir.
Bien pire que la déception.
Evidemment, ça ne fait pas son bonheur : « Je ne suis pas heureux ! Je dis que je n’ai pas de regrets, ça n’a rien à voir ».

Mais il est certain que le goût de cette défaite sera beaucoup plus facile à digérer et le rendra beaucoup moins malheureux qu’un éventuel regret.
Le pire aurait été de ne pas suivre Rudisha, et de se rendre compte à l’arrivée qu’on avait les jambes pour le battre.
Ce regret-là aurait été terrible.

Rater une grande victoire accessible est la hantise des sportifs. C’est le plus dur à digérer, à surmonter.
Rater la médaille d’argent et la médaille de bronze en ayant couru pour l’or et échouer, c’est une frustration qui s’estompera naturellement avec le temps.

Pierre Ambroise le sait.
Et il est déjà prêt à se relever et affronter les nouveaux défis qui arrivent.
Il l’annonce : « J’ai une Ligue de Diamant à aller chercher. C’est mon deuxième objectif de la saison. Je ne vais pas me contenter d’une 4e place aux JO. »
Les rendez-vous sont déjà pris.

 

Merci…

Oui, cette audace doit être aimée, remerciée, et encouragée.

A travers les calculs, on oublie parfois que le sport est avant tout un spectacle, un créateur d’histoires et d’émotions.

Et parmi les éléments qui peuvent donner de la force à une histoire, il y a évidemment le suspense.
Le tour de France, la Ligue 1… ces compétitions souffrent actuellement d’un manque de suspense.
Evidemment, lorsque quelqu’un est nettement plus fort que les autres, et c’était le cas lors de ce 800 mètres, il est difficile de créer un véritable suspense.
Un suspense vraiment crédible, un suspense durable.

Mais un léger suspense est toujours bon à prendre.
Il crée un engouement.
Il crée une connexion avec le public. Le public aime le panache, même s’il conduit à la défaite.
Le public a aimé l’OM de Bielsa qui a bousculé le PSG jusqu’au début de l’hiver même si ça n’a pas tenu.
Le public a aimé ces quelques secondes où Pierre-Ambroise Bosse a cru en l’exploit.
Le public y a cru un peu avec lui. Il a vibré.
Et c’est ça le sport avant tout. Des sportifs qui procurent des émotions à leur public.

Et puis parfois… le suspense dure… dure… et nous avons des Mohammed Ali, Atletico de Madrid ou Leicester City qui écrivent les plus belles histoires du sport.

Merci à vous, les audacieux.

 

EDIT :
Un an plus tard, Pierre-Ambroise Bosse est devenu Champion du Monde du 800 mètres.
Comment ? Avec la même audace qu’un an plus tôt.
La chance sourit aux audacieux. Surtout aux audacieux qui persévèrent.

 

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